La Cuisine est un Art

Lorsque l’on parle d’art, on cite toujours un écrivain, un musicien ou un peintre dont la mission est de créer un univers illusoire, un paradis artificiel pour nous consoler d’une réalité qui serait absurde. La mission d’un cuisinier est tout autre : en créant un univers qui n’a rien d’illusoire, un paradis qui n’a rien d’artificiel, il nous rapproche d’un Dieu dont je ne sais si tel ou tel chef y croit mais dont je suis certain qu’ils ne le rejettent pas. Et si un grand repas c’est du rêve, de l’illusion et des idées, c’est aussi l’univers des choses les plus simples auxquelles le génie du chef ajoute celui des choses invisibles. Certains cuisiniers nous donnent accès à cette réalité, ils nous la font percevoir dans son évidence concrète parce qu’ils sont, tout simplement des artistes.

Bernard Carrère.


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29 janvier 2015

La recette du mois par Lionel Elissalde

Les Coquillettes Régressives pour Enfants Gâtés

par LIONEL ELISSALDE - Chez Martin à Bayonne



Les ingrédients : 
- Des coquillettes
- Du jambon blanc en dés
- Des morilles
- Des ris de veau
- De l'emmental en dés
- Un peu de crème fraîche
- Un bouillon truffé (céleri, carottes et truffes)
- Des noisettes torréfiées
- Des feuilles d'oxalis


La méthode :
Faites blanchir les ris de veau avant de les faire revenir.
Ajoutez les morilles, puis les dés de jambon avant de verser la crème et laissez réduire.

Cuire les coquillettes à part dans de l'eau bouillante salée (environ 8 minutes).
Une fois cuites, mélangez les aux ris et ajoutez un peu de bouillon truffé. Assaisonnez et intégrez les dés d'emmental.

Servir et parsemez de noisettes torréfiées et de feuilles d'oxalis.

Régalez-vous !

16 janvier 2015

Visiteurs du Médoc


Sillonner les routes du Médoc, c'est découvrir mille histoires, de son extrémité nord, à quelques kilomètres de l'océan à son point le plus méridional, aux portes de Bordeaux. Le Médoc, du très ancien St-Estèphe, à la toute aussi célèbre Margaux, en passant par  la très renommée appellation Pauillac, les raffinés St-Julien, les subtils Moulis, les "Médoc" - car ils sont plusieurs - nous entraînent à travers les âges et nous font partager leurs vies, toutes singulières, mais issues d'une même terre.



C'est par une légende que nous entamons ce périple. Au XIIe siècle, Henri II Plantagenêt - roi d'Angleterre et époux d'Aliénor d'Aquitaine - se serait arrêté et désaltéré à une source d'eau fraîche. Cette source existe toujours dans le parc du Château Fonréaud - qui signifie "Fontaine Royale" - près de Listrac. Ce n'est qu'au milieu du XVIIe siècle que l'eau se changea en vin sous l'impulsion de Monsieur Le Blanc (ça ne s'invente pas !!!), le propriétaire du domaine. Il fit planter des vignes sur les pentes des meilleures croupes de graves de son fief. Un siècle plus tard, son vin est premier au classement des Crus de Listrac.
Appellation d'Origine Contrôlée depuis 1957, Listrac-Médoc est surnommée "Le Toit du Médoc" pour sa situation sur le point culminant de la presqu'île (43 mètres exactement) et bénéficie d'un micro-climat favorisant la maturation lente et régulière des raisins, propice aux grands vins. Le Château Fonréaud - construit au milieu du XIXe siècle - est depuis les années 60 la propriété de la famille Chanfreau. C'est actuellement Jean, le fils de l'acquéreur, qui gère le domaine, accompagné de son épouse, Marie-Helène, et de sa sœur Caroline. 
Tout comme le Château Lestage - toujours en Listrac-Médoc - acquis celui-ci par Marcel Chanfreau, le grand-père de Jean et Caroline. Il baptisa d'ailleurs du prénom de sa petite-fille une cuvée dont les vignes se trouvent en Moulis-en-Médoc, l'appellation voisine. Son nom vient du grand nombre de moulins qui décoraient à l'époque ce territoire. La bâtisse du Château Lestage est un pur joyau de l'architecture napoléonienne avec des décors d'une grande finesse et un parc somptueux. Ces deux châteaux sont vraiment à découvrir pour leurs beautés, leurs vins et l'accueil de cette famille toute dévouée à pérenniser le travail commencé initié par leurs parents.

Les délices de St-Julien
La suite du parcours nous emmène vers l'estuaire de la Gironde dans la sublime appellation St-Julien. Au centre de ses 120 hectares de vignes d'un seul tenant, trône le féérique Château Lagrange. C'est au début du XVIIe siècle qu'apparaissent, sur les cartes, les premiers bâtiments. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, Lagrange est géré par Charles de Branne (ou Brane) de Cours, une vieille famille bordelaise aussi propriétaire de Mouton. Un siècle et quelques successions plus tard, c'est un ancien Ministre de Louis-Philippe qui en devient le propriétaire, Charles Tanneguy, Comte Duchatel. Il y organise de somptueuses fêtes où toute la haute société girondine accourt jusqu'en 1875. Date qui marque le début d'une période de déclin, jusqu'en 1983 et l'arrivée du groupe japonais Suntory, lequel  acquiert  un domaine réduit à 157 hectares dont seulement 56 de vignes. Une politique de restructuration est alors engagée et des vignes sont plantées pour atteindre une superficie de 118 hectares aujourd'hui. C'est ainsi que le groupe Suntory a mis tout en œuvre pour que Lagrange redevienne un des fleurons de l'appellation St-Julien et un lieu de visite exceptionnel, avec "Les Jardins de Lagrange" qui propose des pavillons d'hébergement au cœur des vignes, et à deux pas du magnifique château et de son impressionnant chai à barriques.


Les vignes et l'église

Rendons-nous maintenant dans le ravissant village de St-Estèphe. Situées en bord d'estuaire, ses vignes bénéficient d'une régulation thermique grâce notamment à la vapeur d'eau du fleuve quand il fait très chaud. Au XIIIe siècle déjà, la culture du vin se pratiquait sur les nombreuses croupes qui entourent le village. Le port dit de "La Chapelle" aida beaucoup au développement du commerce, et c'est tout naturellement que les "bonnes vignes" de St-Estève de Calone - c'est ainsi que l'on appelait le village dirigé par Guy Martin, seigneur de Calon - acquirent une réputation de vins de qualité. Au milieu du XVIIIe siècle, la maison noble de Calon appartenait au fils d'Alexandre de Ségur, déjà propriétaire de Mouton, Lafite et Latour. Son surnom de "Prince des Vignes" n'était pas usurpé. 
Il a d'ailleurs laissé son nom sur deux très belles étiquettes : le mythique Château Calon-Ségur qui jouxte le village et l'imposant Château Phélan-Ségur duquel on peut voir le clocher de l'Église de St-Estèphe. Si le premier n'est pas entièrement accessible en raison de travaux de rénovation, le second offre aux visiteurs de nombreuses activités notamment gastronomiques - avec la présence d'un chef à demeure - et de dégustation dans un superbe écrin classique et raffiné.



La route des palombes
Nous conclurons cette odyssée oeno-historique dans le village de Ludon-Médoc où se trouve le Château Paloumey dirigé par Martine Cazeneuve. Dans cette propriété voisine des Grands Crus Classés La Lagune et Cantemerle, outre le vin - Cru Bourgeois depuis le XIXe siècle - l'accent est mis sur l'accueil et la découverte du terroir et de la vigne. Un choix alléchant de visites, dégustations et ateliers vous est proposé afin d'en savoir plus sur le travail du vin. L'initiation à l'art de l'assemblage, et la création de son propre vin présente le double intérêt de mesurer la difficulté de l'élaboration d'un vin et la fierté de faire goûter à son entourage son cru personnel. A bon amateur, salut !


Initiation et sensations
La découverte du Médoc par ses vins, l'histoire de ses châteaux ou encore par la rencontre des hommes et des femmes qui font de cette appellation une des plus prestigieuses du monde est une vraie chance. Se retrouver devant la porte du chai de Calon-Ségur ; se réveiller au Château Lagrange et se pâmer devant les vignes au lever du soleil ; toucher la pierre de la façade du Château Lestage en imaginant son  passé, procure au passionné de vin un plaisir intense… et long en bouche, comme en tête. En Art, et la viticulture en est un, on apprécie différemment un vin dont on connaît l'histoire, les vignes et les personnes qui ont œuvré à son épanouissement.




La Gazette Gourmande encourage tous les curieux à rencontrer les propriétaires comme le cordial Jean-Baptiste Cordonnier au Château Dutruch Grand-Poujeaux à Moulis-en-Médoc, le passionnant Antoine Médeville, un des oenologues propriétaires du Château Fleur La Mothe à St Yzans, Christophe Anney au Château Tour des Termes à St-Estèphe, si éloquent  quand il  vous explique (photographies à l’appui) le cycle végétatif de la vigne et l'élaboration du vin, ou encore Basile Tesseron du Château Lafon-Rochet - 4e Grand Cru Classé à St-Estèphe - qui, en poète, se fera un réel plaisir de faire visiter son étonnant chai à barriques de forme ronde qui accueille parfois des concerts de musique, ou de vous narrer l'histoire singulière de la bâtisse de couleur jaune…


Des histoires que vous pourrez à votre tour raconter et partager avec vos amis au moment d'ouvrir et de déguster une bouteille. Santé !


Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont accueilli La Gazette Gourmande avec une grande gentillesse, ainsi que Catherine Di Costanzodi-costanzo.catherine@wanadoo.frpour sa délicieuse invitation.


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