La Cuisine est un Art

Lorsque l’on parle d’art, on cite toujours un écrivain, un musicien ou un peintre dont la mission est de créer un univers illusoire, un paradis artificiel pour nous consoler d’une réalité qui serait absurde. La mission d’un cuisinier est tout autre : en créant un univers qui n’a rien d’illusoire, un paradis qui n’a rien d’artificiel, il nous rapproche d’un Dieu dont je ne sais si tel ou tel chef y croit mais dont je suis certain qu’ils ne le rejettent pas. Et si un grand repas c’est du rêve, de l’illusion et des idées, c’est aussi l’univers des choses les plus simples auxquelles le génie du chef ajoute celui des choses invisibles. Certains cuisiniers nous donnent accès à cette réalité, ils nous la font percevoir dans son évidence concrète parce qu’ils sont, tout simplement des artistes.

Bernard Carrère.


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16 janvier 2014

Belles et goûteuses

Elles attendaient depuis plusieurs semaines déjà dans la chambre froide. Elles venaient de France, de Suisse, d'Irlande. Elles avaient été sélectionnées, préparées, choyées. Attendries et même prévenues, leur sort était jeté : elles seront dégustées ! 

Le jour venu, nous étions une cinquantaine à nous attabler au Gochoki de Jean-Michel Elissalde. Elles, les stars du jour, étaient là, superbes de beauté, imposant leur forme et leur teint. Fières d'exposer aux curieux leurs atouts, maigre et gras, leurs couleurs. Celle-ci plus rougeoyante, celle-là moins persillée, mais toutes avaient un nom : la Blonde d'Aquitaine que l'on connaît bien ici, la Parthenaise arrivée directement des Deux-Sèvres, la Simmental qui avait franchi les Alpes pour venir nous apporter un peu de sa Suisse natale, et les sœurs Charolaises, l'une de Bourgogne et l'autre d'Irlande. Les présentations faites, l'heure était alors à la dégustation. 
Pour titiller les papilles, quelques tranches très fines et d'un rouge vif - en hommage au peintre vénitien Vittore Carpaccio - se laissaient fondre dans le palais des convives. Les conversations vont bon train dans cette ambiance de fête, et, une gorgée de Morgon plus tard, les côtes de bœuf arrivent. Cuites à merveille par Pierre Tansini - Chez Pilou - elles se goûtent avec délectation et ravissement. Une côte bien cuite est un moment divin. 

Un tour d'Europe
Les avis sont contrastés mais chacun trouve son bonheur en fonction de ses préférences. La Parthenaise très tendre, offre des saveurs d'une exceptionnelle finesse. La Blonde d'Aquitaine est moins grasse et de goût plus "classique". La Simmental, élevée en haute montagne et nourrie essentiellement de fourrages alpins, révèle son type très marqué, mais tellement plaisant pour peu que l'on apprécie la rusticité et le gras fondu. Les Charolaises sont peu grasses mais suffisamment persillées pour parfumer la chair que l'on déguste avec contentement. Bernard Loiseau - qui appréciait particulièrement la viande de bœuf charolais - disait « C'est le gras qui nourrit la viande, qui la rend moelleuse, juteuse, savoureuse. Il faut que les viandes aient au moins trois semaines de maturation. »

Le plaisir de comparer

Ce jour-là, les cinq étoiles de cette dégustation brillaient de tous leurs feux. Amoureusement servies et accompagnées par les vins d'Antoine et Damien de l'Artnoa, elles ont enchanté l'ensemble des invités. Fromages de brebis et gâteau basque ont agréablement clôturé ce délicieux banquet organisé, pour la deuxième fois, par Cheche et Jean-Michel Elissalde, avec un objectif aussi pédagogique : comparer et différencier la viande pour mieux l’apprécier et en tirer le maximum de plaisir. La gustation, pour être un grand moment de plénitude, doit réunir en notre palais toute notre attention et focaliser nos idées sur nos sensations. Uniquement elles. Sinon, on ne goûte pas, on mange, on nourrit notre organisme.

06 janvier 2014

Le mélange de la sagesse et du plaisir dans l'assiette

Comme chacun le sait : une alimentation équilibrée, alliée à une activité physique régulière, permet de maintenir son corps en forme, et d'éviter certains ennuis de santé. Mais comment s'alimenter ? Que faut-il enlever, réduire ? Que peut-on s'autoriser et dans quelle quantité ? La recette miracle et universelle, nul ne la détient mais le bon sens qui est, d'après Descartes « la chose du monde la mieux partagée » existe, et peut servir de base alimentaire. Utilisons-le ! 

La première règle qui coule de source est de se nourrir en fonction du ratio besoins/activité. Telle personne sédentaire et pratiquant peu d’exercice physique doit se limiter, se contenter de repas légers alors que telle autre accomplissant des efforts intenses et répétés, s'alimentera de mets plus consistants. C'est l'évidence certes, mais à y regarder de plus près est-ce ainsi que nous agissons de façon régulière ? L’âge joue aussi son rôle : à partir de 40 ans, le muscle (masse maigre) a tendance à diminuer laissant la place à la masse grasse. Et le risque apparait dans nos généreux contours. La vigilance s'impose. 

De plus, chaque repas est, peu ou prou, calorifique. Sa composition doit être suffisante pour attendre le repas suivant. Sachant que notre organisme brûle plus facilement les calories le matin que le soir, il est judicieux de consommer la plus grande partie de notre ration calorique avant 16 heures, d’où l’importance du petit-déjeuner et du déjeuner. Une alimentation trop légère lors de ces deux repas entrainera immanquablement une compensation lors du dîner et pourra constituer un déséquilibre.
Les matières grasses sont à utiliser avec parcimonie, il est préférable d'éviter de cuire les aliments dans l’huile ou dans le beurre. Dans une papillote de saumon, ajouter des tranches de citron vert, de la menthe fraîche du cerfeuil, du persil et du paprika. Après 10 minutes au four, ouvrons-la... Vous sentez ces parfums qui s’échappent ! C'est délicieux ! Préférez aussi les sucres naturels contenus dans les fruits pour vos desserts. Pour un soufflé à l’ananas, coupez l'ananas en petits cubes et faites cuire jusqu’à l'obtention d'une purée (vous pouvez ajouter du romarin), mélangez cette purée avec des blancs d’œufs montés en neige (3 œufs pour 200g d’ananas), placez dans des moules et enfournez pendant 9 minutes à 180°. Voilà de quoi enchanter les plus gourmands.

Une autre règle à respecter est celle de la non-privation. Ne passez pas à côté d’un peu de charcuteries, de pâtisseries, de chocolat ou d’alcool - avec modération évidemment - car sans ces plaisirs, gourmets, vous ne tiendriez pas longtemps. Epicure - à qui l’on fait dire beaucoup de bêtises - ne cherchait pas immodérément les plaisirs qui ne soit ni naturels, ni nécessaires « Tout plaisir est en tant que tel un bien et cependant il ne faut pas rechercher tout plaisir ; de même la douleur est toujours un mal, pourtant elle n'est pas toujours à rejeter. Il faut en juger à chaque fois, en examinant et comparant avantages et désavantages, car parfois nous traitons le bien comme un mal, parfois au contraire nous traitons le mal comme un bien » écrivait-il dans sa Lettre à Ménécée.
Enfin, le plus grand piège à éviter est l’accompagnement. Voulez-vous un exemple significatif ? Une assiette de langoustines contient 90 calories, ajoutez de la mayonnaise et vous passez à 240 calories. La saveur de la langoustine peut-être dénaturé et l’apport de la sauce est superflu. Comme disait le dramaturge irlandais George Bernard Shaw, « Les architectes dissimulent leurs erreurs sous du lierre ; les médecins sous la terre et les cuisinières sous de la mayonnaise ». Ne nous laissons pas envahir systématiquement par ces accompagnements, surtout quand ils ne sont pas de fabrication artisanale ou maison.

Voici, pour terminer cette conversation, une idée de salade de gambas réalisée sans la moindre matière grasse et qui procure des sensations gustatives d’une grande richesse.
Retirez la tête des gambas, ôtez le boyau noir, incisez le haut sur 1 cm. Mettez dans la poêle chaude et ajoutez sel et piment d’Espelette. Présentez avec une salade fraîche. Pour la vinaigrette, pressez 2 oranges à jus et faites réduire de moitié dans une casserole. Hors du feu, ajoutez une cuillère de moutarde et du vinaigre, complétez avec un yaourt à 0%, assaisonnez et fouettez. D’une simplicité évidente, cette recette offre des parfums multiples avec le jus d’orange, les gambas et le piment.
Cuisiner, même simplement, prend du temps, c'est indéniable ! Mais, à choisir, n'est-il pas préférable de passer ce temps aux fourneaux plutôt que chez le médecin et à la pharmacie ?


Merci à Maryse Lacoude et Robert Job pour leur concours.