La Cuisine est un Art

Lorsque l’on parle d’art, on cite toujours un écrivain, un musicien ou un peintre dont la mission est de créer un univers illusoire, un paradis artificiel pour nous consoler d’une réalité qui serait absurde. La mission d’un cuisinier est tout autre : en créant un univers qui n’a rien d’illusoire, un paradis qui n’a rien d’artificiel, il nous rapproche d’un Dieu dont je ne sais si tel ou tel chef y croit mais dont je suis certain qu’ils ne le rejettent pas. Et si un grand repas c’est du rêve, de l’illusion et des idées, c’est aussi l’univers des choses les plus simples auxquelles le génie du chef ajoute celui des choses invisibles. Certains cuisiniers nous donnent accès à cette réalité, ils nous la font percevoir dans son évidence concrète parce qu’ils sont, tout simplement des artistes.

Bernard Carrère.


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18 juin 2012

Que mangeaient nos amis Romains ?


Afin de s’intéresser à la table et aux mets des Romains, il convient de bien différencier les époques de cet empire qui est une des bases de notre civilisation. Pour mémoire, la légende veut que Rome ait été créée en 753 av. JC par les jumeaux Romulus et Rémus, fils du dieu Mars et de la vestale Rhea Silvia. Abandonnés dans les eaux du Tibre et rejetés par les flots au pied du mont Palatin, ils furent nourris par une louve « Romulus gorgé de lait, à l’ombre fauve de sa nourrice, la Louve » nous dit Virgile.


La première époque des rois de Rome débute donc en 753 et se termine en 509 av. JC. Durant cette période, l’élevage tient une place essentielle dans l’économie romaine, notamment celui des moutons surtout pour la laine, des chèvres et des ânes pour leur lait, des porcs qui se nourrissaient essentiellement de glands, des vaches aussi dont le lait servait à fabriquer le fromage et des abeilles enfin dont le miel remplace le sucre de canne importé d’Asie. L’agriculture, héritée des étrusques, est la principale occupation des plébéiens installés à la campagne. On y trouve quelques légumes : la fève, la lentille, le chou, la rave, le poireau et le pois chiche. A noter qu’ils sont d’ailleurs à l’origine de certains noms propres tels que Fabius (fève), Lentulus (lentille) ou encore Cicero (pois chiche). Les céréales, base de l’alimentation, sont l’épeautre, l’orge et le blé barbu. Les Romains sont très amateurs de fruits, notamment des pommes et cultivent la vigne sur des faibles pentes autour de Rome. La journée se découpe en trois repas : jentaculum, cena et vesperna. A table, le père est couché et les autres convives assis. Ils mangent des légumes ou une bouillie à base de graines d’épeautre mélangées à de l’eau ou du lait. Le vin est interdit… aux femmes et aux jeunes gens.
La deuxième époque est la république romaine, elle s’étend de 509 à 27 av. JC. Cette période, marquée par les nombreuses conquêtes des armées romaines, permet - malgré un outillage très rudimentaire - un essor de l’agriculture grâce à des techniques très évoluées. On pratique déjà le repos périodique de la terre (jachère) et l’alternance de cultures sur une même terre (assolement). Les céréales sont toujours très cultivées mais subissent la concurrence des bas prix de certaines nouvelles provinces. Des cépages grecs font leur apparition dans les vignes de Campanie et donnent d’excellents crus : Falerne, Massique, Cécube. Le miel est de plus en plus utilisé comme médicament. Les Romains font toujours trois repas par jour. Le jentaculum est pris au réveil et se compose de pain et de fromage. Vers midi, le prandium est un "casse-croûte" où l’on mange rapidement de la viande froide, des fruits, avec un peu de vin. Puis la cena, seul véritable repas pris en milieu d’après-midi après le travail et se termine à la nuit tombée. Grâce aux conquêtes de territoires nouveaux, les menus sont plus variés et plus subtils. Apicius nous livre ici la recette du plat favori de Cicéron, le ragoût au fromage : « Faire cuire à l’huile un gros poisson salé et enlever les arêtes. Mélanger la chair du poisson avec des cervelles cuites, des foies de volaille, des œufs durs et du fromage. Faire cuire à feu doux après avoir arrosé d’une sauce de poivre, livèche (ache sauvage) gousse de rue, origan, vin, miel et huile. Lier avec des jaunes d’œufs crus. Garnir de graines de cumin ».


La troisième époque correspond à l’Empire Romain et se situe entre 27 av. JC et 192 ap. JC. Cette période a vu se succéder les Douze Césars régnant sans partage sur un territoire immense. Face à la concurrence des pays conquis, Rome abandonne la culture des céréales et se concentre sur l’élevage et la viticulture. L’olivier est très cultivé en Campanie et on pratique les greffes sur les arbres fruitiers. Les repas sont à l’image de la vie à Rome, souvent somptueux voire orgiaques « Les Romains mangent pour vomir et vomissent pour manger » selon Sénèque. Le petit-déjeuner (jentaculum) est remplacé par une coupe d’eau sur le conseil des hygiénistes (déjà... NDLR !). Des danses et des jeux rythment les quatre services de la cena. On y mange beaucoup de poissons, des huîtres aussi en buvant, entre autres, des vins aromatisés. Voici quelques plats aux noms évocateurs, ou rebutants : Poularde aux Asperges, Côtelettes de Chevreuil et de Sanglier, Pâtés de Poulets, Tétines de Truie en Ragoût, Canards Sauvages fricassés ou encore Rôtis de Lièvre et de Poulets de Phrygie. Le repas se termine sur des pâtisseries comme l’Assiette Ornée présentée par Athénée : « Prenez des laitues, lavez-les et frottez-les bien, puis pilez-les dans un mortier en y ajoutant du vin ; tirez-les de là en exprimant le jus. Mêlez à ce jus de la belle farine, laissez reposer quelques temps puis broyez cette pâte avec du saindoux et du poivre, aplatissez-la au rouleau, coupez-la par bandes que vous jetterez dans la friture très chaude et, en les retirant, faites-les égoutter sur une passoire ».

Dans un latin de cuisine plus proche de Ben Hur Marcel de Jean Yanne que de Lucullus le grand gourmet, je vous souhaite un Bonum appetitum.

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