La Cuisine est un Art

Lorsque l’on parle d’art, on cite toujours un écrivain, un musicien ou un peintre dont la mission est de créer un univers illusoire, un paradis artificiel pour nous consoler d’une réalité qui serait absurde. La mission d’un cuisinier est tout autre : en créant un univers qui n’a rien d’illusoire, un paradis qui n’a rien d’artificiel, il nous rapproche d’un Dieu dont je ne sais si tel ou tel chef y croit mais dont je suis certain qu’ils ne le rejettent pas. Et si un grand repas c’est du rêve, de l’illusion et des idées, c’est aussi l’univers des choses les plus simples auxquelles le génie du chef ajoute celui des choses invisibles. Certains cuisiniers nous donnent accès à cette réalité, ils nous la font percevoir dans son évidence concrète parce qu’ils sont, tout simplement des artistes.

Bernard Carrère.


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05 mars 2012

Les "petits bruits" de cuisine de Philippe Guillard



Philippe Guillard est dans les années 80, joueur de rugby à Paris ; d’abord au SCUF puis au Racing Club de France où il est sacré champion de France en 1990. Les crampons, raccrochés, le talent de Philippe va pouvoir s’exprimer au micro et par la plume. Et plus encore ! Des chroniques savoureuses d’humour rugbystique sur Canal+ et deux romans sortent de l’imagination fertile de ce natif des Abymes en Guadeloupe. Co-scénariste de films à grands succès, il tourne son propre long métrage en 2009 "Le fils à Jo". Homme de cinéma et de télévision, sportif de haut niveau (adepte du jeu de mouvement), voilà qu’il nous fait découvrir aujourd’hui une autre de ses facettes, et pas la moindre : l’amour de la cuisine.

Ses goûts culinaires prennent, dès son enfance aux Antilles et en métropole, trois directions. Des îles, il se souvient de la langouste tout juste sortie de l’eau avec une sauce "chien" (à base d’huile, d’ail et d’épices), de la patate douce aussi et du gratin de christophines, ou chayotes. Mais... «... à sept ou huit ans, quand il fallait absolument finir la soupe de poireaux de ma grand-mère, mélangée au riz gluant, ça devenait une véritable punition». De sa mère, juive pied-noir d’Algérie, il conserve le goût, les senteurs de la cuisine méditerranéenne et le souvenir des repas de famille. «On servait la Kémia avec du fenouil cuit, des anchois marinés dans l’huile d’olive et on buvait de l’anisette, mon premier alcool». De son père, breton d’origine, ce sont les galettes de blé noir avec du lait baratté - lait ribot - plus du sucre qui lui reviennent en mémoire «C’était bon, mais consistant !». 
Ce mélange de cultures culinaires a éveillé en lui le désir de cuisiner. «J’adore faire à manger. Sur le tournage du Fils à Jo, je cuisinais pour la troupe. C’était gambas, pâtes aux courgettes ou encore garbure». 
«Je fais toute ma cuisine à l’huile d’olive, je ne supporte pas le beurre depuis une terrible expérience de mousse au chocolat quand j’étais gamin ; j’avais fait fondre une plaquette de beurre et ajouté du chocolat en poudre...» Attaché à l’authenticité des produits, il avoue n’avoir jamais donné de surgelés à manger à ses enfants «Dès que j’ai le temps, je fais une garbure, des œufs à la coque ou des plats simples comme des endives à la bière et quelques lardons, des pommes de terre au four avec de l’huile d’olive et du sel ou de la joue de bœuf. Encore mieux» dit-il «de la joue de veau ou de l’onglet de veau. On n’en trouve pas partout, mais c’est excellent».
Le rugby lui a permis de «rencontrer» la gastronomie et ses grands artisans ; Troisgros, Bocuse, Piège, Constant, Camdeborde... «J’ai la chance de côtoyer les plus grands et j’ai envie d’apprendre les bases de la cuisine auprès d’eux». Bien que préférant les repas entre amis à la maison, il lui arrive de s'attabler au "Soleil d’Est" dans le 15e «C’est Alain Dutournier qui m’avait conseillé ce restaurant pour son canard pékinois». Mais pour lui, le plus délectable reste la soupe d'artichauts à la truffe noire de Guy Savoy. «J’ai l’honneur d’être invité dans les grandes tables de temps en temps pour y déguster la cuisine gastronomique, mais je prends aussi beaucoup de plaisir dans les restaurants comme le trinquet-tabac à l’entrée de St Jean de Luz ; j’y ai mangé la meilleure omelette-salade de toute ma vie».
Un esprit aussi curieux, et passionné, pouvait-il ignorer le monde du vin ? «C’est Jean-Baptiste Lafond qui m’a initié au vin. Ensuite, Jean-Paul Dumond, du Domaine Drouhin, m’a fait découvrir des vins blancs fabuleux que l’on dégustait avec du fromage. Le père de Gérard Lanvin avait une superbe cave, et on y a bu un Pomerol de 1947 extraordinaire». Dans sa «troisième vie», Philippe souhaite se constituer une belle cave «Bordeaux, Côte-Rôtie, Rosé de Provence, de Tunisie, de Corse... et du rhum de la Martinique. J’adore le rhum, et comme je dis souvent ; avec le rhum, pas de cirrhose, mais moins de neurones».
Philippe Guillard fait partie de ces personnes attachantes qui, sans transformer tout ce qu’elles touchent en or, multiplient les talents dans divers domaines ; le rugby, l’écriture, le cinéma et, à n'en pas douter... la cuisine.

Crédits photos : © Canal+