La Cuisine est un Art

Lorsque l’on parle d’art, on cite toujours un écrivain, un musicien ou un peintre dont la mission est de créer un univers illusoire, un paradis artificiel pour nous consoler d’une réalité qui serait absurde. La mission d’un cuisinier est tout autre : en créant un univers qui n’a rien d’illusoire, un paradis qui n’a rien d’artificiel, il nous rapproche d’un Dieu dont je ne sais si tel ou tel chef y croit mais dont je suis certain qu’ils ne le rejettent pas. Et si un grand repas c’est du rêve, de l’illusion et des idées, c’est aussi l’univers des choses les plus simples auxquelles le génie du chef ajoute celui des choses invisibles. Certains cuisiniers nous donnent accès à cette réalité, ils nous la font percevoir dans son évidence concrète parce qu’ils sont, tout simplement des artistes.

Bernard Carrère.


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16 janvier 2012

Le sel de Salies-de-Béarn

La légende de la source d’eau salée de Salies de Béarn remonte à la nuit des temps… Elle met en scène une partie de chasse au cours de laquelle un sanglier, blessé par ses poursuivants, alla se réfugier dans une forêt où les chasseurs le retrouvèrent couvert de cristaux de sel produits par l'évaporation de l'eau du bourbier dans lequel il rendit son âme, si tant est qu’un sanglier en ait une !
C’est à la découverte de cette source d’eau salée dont l’exploitation commença dans la maison Montesquiut ou du Grand Balcon que l’on voit encore à l'un des coins du bassin du Bayaà où la source dépose ses eaux, que la cité de Salies-de-Béarn doit son origine. Au-dessus de la porte d'entrée de cette demeure de style gothique, on pouvait découvrir, il y a encore quelques années, les pieds d'un sanglier sculptés sur une pierre marquée par l'empreinte des siècles, avec cette inscription écrite en béarnais : « Si you nou eri mourt, arres n'y bibéré » : si je n'y étais pas mort, personne n'y vivrait.

Dix fois plus salée que celle de l’océan, l’eau de Salies fut d’abord exploitée pour son sel avant de l’être pour ses vertus thérapeutiques. Si les premières règles de gestion entre les co-propriétaires de la source du Bayaà furent écrites en l’an 1526, ce n’est qu’en 1587, après de nombreuses discordes autour de la répartition de la manne provenant de l’exploitation de la saline, que fut fondée la Corporation des Part-prenants de la Fontaine salée.
Rédigée par les salisiens collectivement propriétaires de leur fontaine, la charte, portant les codifications de la corporation, fut alors inscrite dans le Livre Noir de la cité aux fins de  réglementer définitivement l'usage du sel. Les part-prenants s’attribuèrent alors un droit de puisage et de partage transmissible à leurs enfants au titre du droit du sang et du droit du sol. La distribution de l’eau chargée de sel ne manquait pas de sel : vêtus d’une simple chemise de toile, les tiredous - puiseurs d’eau - couraient à la Fontaine salée pour prendre la part d’eau fixée avant de la verser dans le duli, cuve en bois placée devant leur maison. Cette course à l’eau salée se déroulait dans une excellente ambiance jusqu’à ce que le niveau de la "sauce" diminue. Part-prenants et Jurats en venaient alors aux mains, les uns cognant les autres jusqu’à ce que l’autorité décide de fermer la praube mude - la pauvre muette - jusqu’à la prochaine fois. De cette bataille rangée entre salisiens est né le proverbe béarnais : « Ils s’entendent comme ceux de Salies sur leur compte de sauce ».  
Le privilège, que les salisiens avaient accordé à ceux d’entre eux dont les origines remontaient aux croisades, a perduré jusqu’à cette année puisque les part-prenants viennent de confier l’exploitation de leur saline au Consortium du Jambon de Bayonne pour cinquante ans - jusqu’en 2060 - au travers d’une filiale en charge de commercialiser le sel de Salies de Béarn dans la grande distribution. Puisé à 200 mètres de profondeur dans une eau qui en contient 300 grammes au litre, le sel de Salies est reconnu pour sa richesse en oligo-éléments. Naturellement blanc, il ne subit aucun traitement avant de se retrouver sur votre table.

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